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Le bouillon parisien, une institution


Les petits plaisirs liés à la fréquentation des hauts lieux de la gastronomie parisienne ne sont pas à la portée des bourses de tous les voyageurs. Pour une petite bouffe correcte à bas prix, les touristes qui séjournent dans la capitale française se refilent depuis des lunes l'adresse de Chartier. Fauchés ou non, les Parisiens y passent également à l'occasion, mais Parisiens ou non, les clients qui s'y attablent plus ou moins régulièrement ne sont pas nécessairement conscients de fréquenter un établissement historique.

Chartier est l'héritier d'une tradition de restaurants populaires vieille de plus de 140 ans. L'histoire des bouillons parisiens remonte à 1860 alors que Pierre-Louis Duval, boucher de son état, a l'idée de créer un restaurant où les ouvriers des Halles pourraient manger un repas chaud à prix modique. Il concocte pour eux un hochepot de boeuf dans son bouillon, un plat qui donnera son nom à l'établissement. Le fils Duval prend ensuite la relève pour développer une chaîne de «bouillons restaurants». Il ne reste plus qu'un survivant des Bouillons Duval, Julien, aménagé en 1902 dans le plus pur style Art nouveau qui n'a malheureusement plus rien du restaurant populaire.

Le concept est repris à la toute fin du XIXe siècle par Camille et Édouard Chartier qui ouvrent un premier bouillon rue du Temple, puis un second, rue de Faubourg Montmartre. Suivent ensuite Vagenende, le Bistro de la Gare et le Bouillon Racine, sur la Rive Gauche.

Les bouillons étaient tous décorés dans le style Art nouveau et respectaient plus ou moins implicitement le même plan. Une avant-salle équipée d'un bar s'ouvre sur la rue, et une grande salle à l'arrière, divisée par une balustrade, est souvent surmontée d'une verrière.

Seul Chartier, inscrit à l'inventaire des Monuments historiques, a conservé sa vocation de restaurant populaire. Dans l'immense salle décorées de boiseries et de cuivres pouvant accueillir jusqu'à 350 convives, se presse tous les jours une foule hétéroclite. Les grandes tables incitent à la convivialité. C'est ainsi que des touristes québécois peuvent se retrouver attablés avec un voyageur de commerce de Valenciennes et une jeune étudiante serbe qui semble sortie tout droit d'un roman de Dostoïevski. La conversation s'engage spontanément autour du menu complet à 15,50 euros incluant un demi litre de vin rouge ou d'eau minérale. Cette cuisine honnête représente une indéniable aubaine malgré le service parfois un peu bourru qui fait partie de la légende.

Surnommé un temps le Maxim's des pauvres, Vagenende, un ancien bouillon Chartier, s'est recyclé dans le style brasserie haut de gamme. Son décor est spectaculaire et l'addition est à l'avenant. Le Bouillon Racine, un autre ancien de la famille Chartier, a été vendu à des brasseurs belges qui proposent leur cuisine nationale derrière la façade d'origine. Les prix s'apparentent à ceux de Vagenende.

Le Bistrot de la Gare, dernier ex-bouillon Chartier, est devenu Bouillon Roujeot en 1924, puis Bistro Romain avant de passer au Groupe Flo. Il a également abandonné le créneau des repas à très bon marché, mais sert toujours le carpaccio de boeuf à volonté dans son fabuleux décor.

Chacun de ces bouillons et ex-bouillons a son charme et sa clientèle d'habitués. À défaut de manger «économique», on y mange «historique». Après tout, on est à Paris!

Carnet d'adresses

Chartier, 7, rue du Faubourg Montmartre. Métro Grands Boulevards. Ouvert tous les jours de 11 h 30 à 15 h et de 18 h à 22 h.
www.bouillon-chartier.com/

Bouillon Racine, 3, rue Racine. Métro Cluny-La Sorbonne ou Odéon. Fermé les lundis et mardis. Accueil jusqu'à 23 h www.bouillon-racine.com/

Vagenende, 142, boulevard Saint-Germain. Métro Mabillon ou Odéon. Ouvert tous les jours en continu jusqu'à 1 h du matin. Réservations recommandées (01.43.26.68.18) www.vagenende.fr/.

Le Bistro de la Gare, 59, boulevard du Montparnasse. Ouvert tous les jours.

Julien, 16, rue du Faubourg Saint Denis. Ouvert tous les jours.

Louise Gaboury