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Article publié dans le webzine de Avril 2009

Des taureaux et des hommes


En Camargue, on ne tue pas les taureaux, on leur élève plutôt des statues !  Il y a bien sûr ici et là dans le sud de la France des corridas au cours desquelles le taureau est mis à mort, mais les Camarguais ont développé un autre type de relation avec leurs taureaux : ils préfèrent jouer avec eux !

Course camarguaise

En ce beau dimanche après-midi de juillet, Montfrin, situé non loin de Nîmes, commence à sortir de sa torpeur. Les voitures envahissent les alentours des arènes qui se remplissent peu à peu d’une foule colorée : couples d’un certain âge, groupe d’amis et même quelques dames chic. Les habitués se saluent.
Soudain, la voix de l’annonceur s’élève. Son accent à couper au couteau semble sorti tout droit d’un film de Pagnol. Pendant la durée de la course, il informe la foule de l’évolution des enchères et de l’identité des donateurs, des » joyeux pétanqueurs », aux « mousquetaires des Côtes-du-Rhône,», en passant par les « ex-miss poulette de la Maison de la Presse », pour encourager et motiver tourneurs et raseteurs,
Ce qu’on appelle « course camarguaise » n’est pas vraiment une course, mais un jeu entre le l’homme et le taureau. Vêtus de blanc, tourneurs et raseteurs rusent avec la bête. Chaque raseteur a son tourneur. Les tourneurs tentent d’attirer le taureau et de le distraire pour faciliter le travail des raseteurs.  Les raseteurs doivent  enlever, à l’aide d’une sorte de gros peigne, une cocarde, deux glands et les ficelles accrochés aux cornes du taureau.
Appelé aussi "course à la cocarde", ce jeu ancien assujetti à des règles très strictes n’est pas sans danger puisqu’ une quinzaine de raseteurs ont trouvé la mort dans l’arène en un peu plus de 100 ans.
La foule connaît les taureaux par leur nom et leur caractère est analysé dans le journal local où on peut notamment apprendre que Thénardier est imprévisible, Dandy généreux et volontaire. Dans l’arène, leurs bons coups sont soulignés par un air populaire de l’opéra Carmen. Il y en a qui sont tellement aimés que le public en vient à détester les raseteurs qui réussissent à les leurrer !

Attention, traverse de taureaux !

Dans la région, il n’y a pas de fête sans taureaux. Ce jour-là, à Générac, un village du Gard, la journée commence par le déjeuner à la manade (ferme d’élevage de taureaux). Vient ensuite le tri, par les gardians (cowboys provençaux), des taureaux qui « joueront » ce jour-là, puis le lâcher de taureaux ou abrivado.  Lâchés, les taureaux, sont étroitement encadrés par les gardians à cheval. Pendant l’échappée, les jeunes du village tentent d’exciter les bêtes pour les amener à sortir du troupeau. Ce cortège est suivi par des aficionados (amateurs de jeux taurins) à cheval ou en calèche.  Les hommes arborent la chemise traditionnelle en tissus provençal, les femmes portent la jupe-culotte. Un des guardians ressemble à s’y méprendre au cowboy d’une pub de Malboro. Ce n’est que quand il parle avec son accent du midi que l’illusion s’évanouit.
Après l’abrivado, tout le monde s’arrête au café prendre l’apéro sous le regard ébahi des touristes ameutés par les affiches annonçant un lâcher de taureaux en ville. Suivra le lunch au cours duquel on dégustera la gardiane, un ragoût de taureau. Ensuite, le bandido ramènera les bêtes au pré après la course. Il y aura ensuite un autre apéritif, parfois une course de nuit, puis une soirée dansante clôturera la fête votive.

Sous le signe du taureau

La « Temporada », saison des manifestations taurines, s’étend  de mars à octobre. Elle donne lieu à plus d’une centaine d’événements. Autrement il se passe presque toujours quelque chose pendant la saison morte dans les manades.   À Vallabrègues, par exemple, on peut assister à la ferrade, un rituel au cours duquel le taureau est marqué au fer rouge. Bienvenue à la culture cowboy de la France profonde !
www.ffcc.info

Louise Gaboury