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Fidèle au poste depuis 600 ans dans la tour de la cathédrale de Lausanne


À Lausanne, depuis 600 ans, le guet marque les heures du haut de la tour de la cathédrale. Le mot « guet »décrit autant l'action de garder la ville que l'homme qui s'acquitte de cette fonction. Les guets avaient été institués au Moyen Âge pour tenter de réduire la propagation des incendies, s'assurer que les commerces étaient fermés, que tout le monde était bien rentré chez soi, et donner l'heure aux habitants des villes et des villages.

Le guet de Lausanne est un des plus anciens d'Europe. Si on a des preuves qu'il y avait un guet à Lausanne le 4 novembre 1405, on croit qu'il est en fait beaucoup plus ancien, sans doute aussi vieux que la cathédrale qui date du XIIIe siècle.

Au début, la ville comptait plusieurs guets qui se répartissaient des quarts de travail. «Ils se chargeaient de faire sonner les cloches puis, quand on a installé une horloge, ils devaient la remonter. Quand tout a été mécanisé, la ville a décidé de maintenir le guet pour continuer la tradition», explique Renato Häusler, guet officiel de Lausanne depuis 2000.

Cinq soirs par semaine, à toutes les heures de 22 heures à 2 heures, dès qu'il entend sonner l'heure, Renato Häusler coiffe son chapeau de feutre noir, prend sa lanterne et quitte sa loge pour aller crier l'heure aux quatre coins de la tour de la cathédrale. « C'est le guet. Il a sonné 10. Il a sonné 10! », répète-t-il les mains en porte-voix sur chaque face de la tour. Il rentre ensuite dans sa loge, où il savoure la solitude. Souvent, au pied de la tour, des Lausannois ou quelques touristes applaudissent sa prestation.

Renato Haüsler exerce le métier de guet avec passion. Avant d'obtenir le poste, il a fait des remplacements pendant plus d'une douzaine d'années. C'est à ce moment qu'il commence à explorer l'envers du décor de la cathédrale. « Je me suis rendu compte qu'une des clefs que j'allais chercher au poste de police les soirs de guet ouvrait une petite porte de l'escalier. Chaque soir entre mes rondes, j'explorais la cathédrale et je découvrais un monde. Je connais tous les combles, ce qui me donne une autre relation à la cathédrale que si je ne faisais que venir y crier les heures et rentrer chez moi.

Né à Zurich et élevé à Lausanne, Ranato Haüsler travaille à temps plein dans une institution pour handicapés. « J'ai toujours été très attaché au passé. Dans cette époque cinglée, le guet me donne un autre rapport au temps. Je me sens comme le dernier maillon d'une chaîne qui date de 600 ans. J'imagine la vie des travailleurs qui ont bâti la cathédrale, de tous les guets qui se sont succédés ici, dans le plus beau monument gothique de Suisse. Ce n'est pas banal. J'éprouve toujours du plaisir à monter ici. » Croyant non pratiquant, il ressent très fort l'énergie de ces bâtisseurs de cathédrales qui y ont oeuvré pendant des dizaines d'années. « L'ambiance favorise l'introspection. Je ne suis pas le même homme qu'il y a quatre ans », laisse-t-il tomber.

Renato Haüsler est père de deux jeunes filles qui l'accompagnent parfois dans la tour. « Si je vivais seul, j'y resterais sans doute plus longtemps. J'ai un petit réchaud. Je pourrais me faire du café, me réchauffer une soupe. » Dans la loge un lit, une table deux chaises, une radio des années quarante, des cartes postales de Lausanne au mur. « J'écoute de moins en moins de musique. Les bruits de la cathédrale me suffisent. »

Louise Gaboury