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Article publié dans le webzine de Mai 2009

Un coin de France en Amérique


À la fois familières et dépaysantes, les îles de Saint Pierre et Miquelon jouissent sans doute du meilleur des deux mondes. Situées à une heure d’avion de Sydney, en Nouvelle-Écosse et à dix-huit kilomètres des côtes de Terre-Neuve, leur cœur bat pourtant au rythme de la France.

Un peu d’histoire

Des sites archéologiques révèlent la présence de campements amérindiens datant de plusieurs centaines d’années avant que Jacques Cartier ne prenne possession des îles en 1536. L’archipel était alors depuis longtemps fréquenté par les pêcheurs basques et bretons. Le premier établissement permanent ne date toutefois que du début du XVIIe siècle. En 1763, les îles restent françaises alors que tout le reste de la Nouvelle-France passe sous domination britannique. Quelques occupations et déportations plus tard, la rétrocession définitive des îles à la France se fait en 1816.

Même si sa vie économique se résumait encore tout récemment surtout à la pêche et à la transformation du poisson, Saint-Pierre n’en a pas moins connu une période faste avec le commerce d’alcool vers les Etats-Unis à l’époque de la prohibition. Sur le port subsistent encore les entrepôts où transitaient, dit-on, des centaines de milliers de caisses de bouteilles d’alcool chaque mois.

Un peu de géographie

La superficie totale des îles n’excède pas 240 kilomètres carrés. L’archipel comprend l’île Saint-Pierre, l’île aux Marins, l’île aux Vainqueurs, le Grand Colombier, Langlade et Miquelon. Seules Saint-Pierre et Miquelon sont habitées en permanence. Leur population s’élève à environ 6000 habitants, dont 20% sont de descendance acadienne.
La ville de Saint-Pierre, située sur l’île Saint Pierre, est la plus peuplée. Elle regroupe 90% de la population des îles. Ses maisons colorées se tassent frileusement autour du port et sur les flancs des collines dénudées qui dominent la mer en un joli paysage.
Il fait bon flâner près du port, fouiner dans les petites boutiques, ou s’arrêter pour discuter autour d’un café ou d’un verre dans un bar ou sur une terrasse en été. On s’y balade en toute sécurité. Ici la vie se déroule calmement, rythmée par la musique des cloches de la cathédrale de Saint-Pierre, une intéressante église basque.
Ces Français d’Amérique vivent comme leurs compatriotes de la métropole. Pas de confusion : nous sommes bien en France avec la mairie, la gendarmerie, la place du Général de Gaulle, le monument aux morts, les cafés et la fermeture quotidienne à l’heure du midi! Et pourtant, on voit des paniers de basket-ball dans les jardins des maisons unifamiliales d’inspiration nord-américaine, et les enfants portent des T’shirts et des blousons aux couleurs de l’équipe des Canadiens de Montréal pour jouer au hockey dans la rue, comme les petits québécois!

Une belle nature préservée

Les îles de l’Archipel recèlent des trésors insoupçonnés. Hors des sentiers battus et loin de la foule des estivants qui envahit les points « hot » du globe, Saint-Pierre et Miquelon font les délices des ornithologues amateurs et des simples amoureux de la nature dans un cadre tout à fait français.
L’île aux Marins, à dix minutes de Saint-Pierre, a déjà compté jusqu’à 700 habitants. Peu à peu désertée dans les années 1960, elle est devenue un intéressant écomusée consacré à la vie des pêcheurs. Depuis 1988, on a commencé à reconstruire plusieurs maisons et à recueillir ici et là des photos et des objets témoignant de la culture matérielle et de la vie des anciens habitants (désormais 28 salles d’exposition d’environ 750 m², regroupent ainsi près de 3500 objets). On peut facilement y passer la journée à se promener et à visiter tranquillement la mairie, l’église, l’école, la maison Jézéquel, la Maison Grise, le Garage des Pompes, l’atelier municipal,etc. Des tables et des barbecues attendent les pique-niqueurs.

L’Association du Centre nautique Saint-Pierre propose des activités de découverte du milieu marin des îles. En saison, le zodiac quitte le port tous les après-midi avec à son bord une douzaine de vacanciers engoncés dans leur combinaison de survie. Au programme : l’observation de la faune et des côtes abruptes et sauvages de Saint-Pierre et de Langlade jusqu’au spectaculaire Cap percé.

Fin juin, début juillet, l’excursion permet d’admirer différents oiseaux marins (petit pingouin, fou de bassan, macareux) et quelques espèces de mammifères marins tels que baleines à bosses, rorqual commun, petit rorqual, et dauphins (communs, à bec blanc et à flancs blancs) qui suivent les capelans dont ils sont friands. A la fin d’août, les oiseaux du Colombier commencent à quitter les abords de l’archipel, mais mouettes et cormorans s’y attardent encore. On peut également apercevoir de loin quelques-uns des 600 cerfs de Virginie, appelés localement « chevreuils » qui peuplent Langlade (l’espèce y a été introduite avec succès il y a une cinquantaine d’années, environ, des dizaines de colonies de phoques gris et commun batifolant sur les rochers et près du rivage.

De Saint-Pierre, on peut gagner Miquelon par bateau ou par avion. Miquelon Langlade, ce sont 200 kilomètres carrés de paysages variés de falaises rocheuses, de pentes herbeuses, de plages de sable et de galets, de ruisseaux, de landes et de tourbières. La végétation, façonnée par les vents donne d’étranges spécimens d’arbres nains qui semblent ramper au sol.
Bâtie sur un cordon littoral, la petite ville de Miquelon affiche un petit air de vacances. Plusieurs Saint-pierrais y possèdent d’ailleurs des résidences secondaires. Un isthme de sable de 12 Km s’est créé entre Miquelon et Langlade lors des dernières glaciations, il y a plusieurs milliers d’années. Un chenal navigable, qui existait encore à la fin du 18ème siècle, s’est rebouché, reliant ainsi ces deux îles. C’est un endroit d’une rare beauté. On y défile au milieu d’une mer d’une exceptionnelle couleur, bordée d’immenses dunes veloutées, couvertes d’oyats, des graminées qui retiennent le sable.
Des colonies de phoques se réfugient dans le Grand Barachois (les femelles de phoque commun mettent bas durant la deuxième quinzaine du mois de mai), (des centaines de canards noirs, des garrots et harles y passent l’hiver et des milliers de limicoles fréquentent les abords de ce site de juillet à novembre) et des chevaux à demi sauvages galopent dans les herbes hautes. Sillonnées par de nombreux sentiers de randonnée, se visitent à pied. Les plus pressés font une excursion en bus des îles ou louent une voiture. Plusieurs Miquelonnais circulent en jeep parce qu’à certains endroits (et parmi les plus beaux!), la route n’est qu’une piste sinueuse.
Au bout de la dune, du côté de Langlade, s’étire paresseusement une longue et superbe plage où on peut se baigner dans une mer calme, à l’abri des vents dominants. La baignade est également possible dans l’étang de Mirande, sur Miquelon.
À Langlade même, transitent plus de 300 espèces d’oiseaux; quelques espèces s’y reproduisent : Pygargue à tête blanche, plusieurs espèces de Parulines et de Bruants. Les eaux environnantes abritent des milliers d’individus durant tout l’hiver : macreuses (trois espèces) Eiders, Hareldes Kakawis, et des alcidés (Guillemots de Troïl et de Brunnïch, appelés localement « Godes »). On y dénombre des dizaines de variétés de fleurs sauvages dont de très belles orchidées.

Côté bouffe, la France

On trouve de tout ici, des pizzérias aux crêperies en passant par les restaurants classiques ou plus nouvelle vague. Parmi les spécialités, le délicieux saumon fumé localement, la tarte aux moules, le flétan au four, les coquilles Saint-Jacques, les meilleures que j’aie jamais mangé, et les encornets.

St Pierre et Miquelon en souvenir

St Pierre et Miquelon émettent ses propres timbres, œuvres d’artistes locaux, qui évoquent différents aspects de la vie sur les îles. Imprimés en relativement petit tirage, ils prennent vite de la valeur. On trouve presque toute la gamme de produits français, vins et alcools, verrerie et porcelaine, dentelles, vêtements et les incontournables assiettes, T’shirts et casquettes au nom de l’endroit. La Maison du cadeau établie place du Général de Gaulle, dans une vieille maison où habitait Henri Morazé qui traitait, dit-on directement avec Al Capone à l’époque de la prohibition, vend des produits de luxe.
www.saintpierreetmiquelon.fr

Louise Gaboury