Aussi insolite qu’émouvant, le Palais idéal du facteur Cheval, est l’œuvre d’une vie, celle d’un homme simple qui a poursuivi un rêve un peu fou.
Il était une fois, il y a fort longtemps, dans le petit village de Hauterives, dans la Drôme, à 80 kilomètres de Lyon, un facteur solitaire. Joseph Ferdinand Cheval, c’était son nom, devait parcourir chaque jour une trentaine de kilomètres pour livrer le courrier. Il a 43 ans quand, un jour d’avril 1879, au cours de sa tournée quotidienne, il trébuche sur une caillou. Intrigué par sa forme bizarre, il le met dans sa poche et l’apporte chez lui. Ce caillou sera la pierre angulaire d’une construction étonnante, aussi ésotérique que biscornue. Cheval nourrit son projet au fil des jours, transportant pierres et cailloux dans ses poches, dans un panier ou une brouette, pour ériger ce colossal ouvrage dans son jardin. Il mettra plus de 93 000 heures, le plus souvent la nuit, à la lueur d’une lampe à pétrole, à achever ce qui passera à l’histoire sous le nom de « Palais idéal du facteur Cheval ».
Rien ne prédestinait le facteur Cheval à l’art naïf. À peine scolarisé, ce fils de paysan né en 1836, devenu orphelin assez jeune, devient apprenti boulanger avant d’endosser le costume de facteur. Son Palais idéal a pourtant suscité l’admiration de Breton et Picasso et l’intérêt de Nicki de Saint-Phalle. Cette oeuvre d'art brut est classée monument historique en 1969 à l'instigation d'André Malraux, mais contre l’avis de plusieurs de ses fonctionnaires.
Difficilement classable, le Palais idéal est un hymne à la nature, au rêve et à la mythologie. On reconnaît des animaux familiers ou étrangers (oiseau, éléphant, biche, pieuvre) et des personnages mythiques, des fées, mais aussi des géants (César, Vercingétorix et Archimède), au milieu d’un enchevêtrement de tourelles et de colonnes.
L’ensemble surréaliste rappelle temples hindous, mosquées ou châteaux du Moyen Âge, et évoque Gaudi. Surprenant pour quelqu'un de peu instruit, confiné dans sa région, qui n'a suivi que son instinct de bâtisseur. L’inspiration de cette œuvre universelle a pu lui venir des cartes postales qu’il aurait livrées…
Cheval, qui voulait se faire enterrer dans son palais, s’est heurté aux contraintes de la bureaucratie française qui exigeait, pour ce faire, que son cadavre soit incinéré. À partir de 1914, il s’attelle donc à la construction de son tombeau, dans le cimetière de Hauterives, une tâche qui lui prend huit ans. Achevé deux ans avant sa mort, le tombeau est finalement classé en 2011.
Le site qui était déjà une attraction touristique du temps de son créateur, reçoit maintenant plus de 150 000 visiteurs chaque année. Difficile, devant cette œuvre, de ne pas penser à notre peintre barbier du Saguenay, Arthur Villeneuve…
. Jusqu’au 30 août, les collectionneurs Bruno Decharme et Antoine de Galbert rendent hommage à Joseph Ferdinand Cheval en présentant leurs collections d’art brut populaire au Palais idéal du facteur Cheval dans le cadre de l’exposition Élévations.