Les Berkshires, joyau méconnu de la Nouvelle Angleterre

Des agriculteurs originaux

Les terres fertiles des Berkshires ont attiré les Shakers qui fuyaient les persécutions religieuses. Leur nom, diminutif de Shaking Quakers, fait référence aux transes dans lesquelles ils entraient pendant leurs cérémonies religieuses. La communauté s'est établie ici vers 1860 et y est restée jusqu'à la fin des années cinquante.

Le village maintenant ouvert aux visiteurs est constitué d'une vingtaine de bâtiments. On y a recréé, grâce à plus de 20 000 objets divers la trame de leur vie quotidienne. La ferme est toujours fonctionnelle. Chaque jour, les visiteurs sont invités à assister à différentes démonstrations effectuées par des artisans qui ont assimilé les techniques traditionnelles des Shakers. Des guides fournissent des informations sur les principes de la religion et du mode de vie des Shakers, et sur les particularités architecturales des différents bâtiments, dont la spectaculaire grange ronde, symbole de leur ingéniosité.

L'héritage des villégiateurs fortunés

Avec sa nature sauvage, ses paysages champêtres de collines et de forêts, ses villages de cartes postales et sa culture originale, la région a rapidement attiré les villégiateurs. Les Berkshires connaissent leur premier boum touristique au lendemain de la Guerre de Sécession quand de très riches familles commencent à s'installer sur les terres abondantes et alors abordables des environs de Lenox et Stockbridge.

De 1880 à 1910, Lenox voit les luxueuses maisons d'été pousser comme des champignons. Le cottage typique peut compter une vingtaine de pièces, même s'il n'est habité que quelques semaines par année. Rien ne semble freiner la surenchère du luxe et de l'extravagance des riches villégiateurs. L'un de ces cottages comptait cent pièces, la salle de bal d'un autre était assez vaste pour accueillir 300 personnes alors que le cottage voisin était ceinturé d'un balcon de plus d'un kilomètre de long !

L'ère des cottages prend fin abruptement, d'autres destinations s'arrogeant les faveurs de l'aristocratie de la Nouvelle Angleterre. Quelques cottages sont abandonnés ou rasés par le feu. D'autres deviennent des auberges, des centres culturels ou des musées. Ce qu'il reste par exemple de Bellefontaine, copie du Petit Trianon construit en 1897 et en partie détruit par le feu en 1949, a été intégré au complexe de Canyon Ranch of the Berkshires, un des centres de remise en forme les mieux cotés des Etats-Unis. Blantyre, inspiré d'un château médiéval écossais a été transformé en auberge haut de gamme dans les années 1980. The Mount, qui appartenait à la romancière Edith Wharton, a été restauré. Il a accueilli la troupe de théâtre professionnelle Shakespeare & Company avant son déménagement sur une immense propriété née de l'union de quatre domaines datant de l'âge d'or des Berkshires, rebaptisée The Rose. Chesterwood, où logeait et travaillait le sculpteur Daniel Chester French à qui on doit notamment le Lincoln Memorial de Washington, est chaque été l'hôte d'une exposition de sculptures contemporaines. On peut également visiter Arrowhead, où Melville a écrit Moby Dick.

Tanglewood, le vaste domaine de la famille Tappan, où l'Orchestre symphonique de Boston établit ses quartiers d'été depuis 1937, attire bon an mal an quelque 350 000 mélomanes. Cette année marquera la première saison champêtre du nouveau directeur de l'Orchestre symphonique de Boston, James Levine. Charles Dutoit et Sir Neville Marriner y sont passés.

Des musées exceptionnels

C'est la situation des Berkshires, assez éloignée des grands centres, mais tout de même facilement accessible, qui a séduit Francine et Sterling Clark à la recherche d'un emplacement sûr pour bâtir le musée qui abriterait leurs collections. Traumatisés par la guerre, ils le voulaient loin d'éventuelles cibles de bombardements. La petite ville universitaire de Williamstown, avec ses beaux bâtiments posés sur d'immenses pelouses ombragées, leur a semblé l'endroit idéal. Les Berkshires étaient alors peu visités, mais bien fréquentés. Leur musée allait en devenir un des plus importants fleurons. Les Renoir y côtoient les Monet, Van Gogh, Gauguin, Degas, et autres figures immortelles de la peinture.

La petite ville de Williamstown compte un autre musée d'importance, Williams College Museum of Art. Situé à North Adams, le Mass MoCa (Massachusetts Museum of Comtemporary Art) célèbre l'art contemporain. Ce jeune musée établi il y a cinq ans dans un complexe manufacturier désaffecté, est le plus grand centre d'art contemporain aux Etats-Unis.

L'artiste le plus célèbre de la région est sans contredit le peintre et illustrateur Norman Rockwell. Né à New York, il a passé les 25 dernières années de sa vie à Stockbridge. C'est là qu'on a récemment aménagé le Norman Rockwell Museum consacré à l'oeuvre de ce grand artiste qui a réalisé plus de 300 illustrations de couverture pour le Saturday Evening Post. La rue principale de Stokbridge est restée telle qu'elle était quand elle a été immortalisée par Rockwell en cette période de Noël des années cinquante. Les grands arbres, les petites clôtures de bois blanc, le joli magasin général, rien ne semble avoir changé depuis 50 ans, sauf que le Red Lion Inn plongé dans le noir sur cette peinture, est maintenant ouvert toute l'année.

Une nature généreuse

Les activités de plein air se concentrent autour du Mont Greylock, le plus haut sommet du Massachusetts, qui se trouve sur l'Apalachian Trail, qui va du Maine à la Géorgie. On peut y faire de la randonnée, du vélo, de l'escalade et de la descente de rivière. Le Natural Bridge State Park abrite une arche de marbre, merveille naturelle rare vieille de plus de 500 millions d'années.

En automne, la région est populaire pour ses couleurs spectaculaires. Les montagnes toutes rondes et les vallées nimbées de brume s'enflamment dans un crescendo d'orangés. La Mohawk Trail, longue d'environ 150 kilomètres, est alors plus achalandée que l'autoroute métropolitaine un soir d'hiver à 5 heures.