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Petit itinéraire du chocolat à Paris


Pour Katherine Khodorowski, co-auteure avec Hervé Robert de l'ABCdaire du chocolat et de 100% Chocolat, qui se définit comme metteur en scène gastronomique, le vrai chocolat est français et se concentre à Paris.

Apporté du Nouveau Monde par les conquistadores espagnols, c'est à Bayonne, près de la frontière avec l'Espagne, que le chocolat fait son entrée en France avant de monter à Paris.

« La Suisse n'a jamais eu de colonies où s'approvisionner en cacao. Si on lui doit d'importantes inventions techniques, il ne faut pas oublier que ce pays est plus fier de ses vaches que de son chocolat et que c'est d'abord le chocolat au lait qu'il célèbre », explique-t-elle. « La Belgique a eu des colonies productrices de cacao et donc accès à un produit de haute qualité. Cependant les Belges sont très friands de crème. Leurs chocolats, souvent farcis à la crème, sont gras et sucrés. »

« Le chocolat français est aujourd'hui reconnu dans le monde pour sa qualité, son raffinement et sa créativité. Les artisans français du chocolat, brutalement secoués par une offensive belge dans les années 1980, ont suivi le virage amorcé en pâtisserie par Lenôtre vers des produits plus légers. Comme le chocolat est moins sucré, on peut mieux le goûter et retracer, si on s'y connaît un peu, la provenance des fèves. Le chocolat se déguste maintenant comme le vin », précise Katherine Khodorowski qui organise des visites de chocolatiers et des dégustations de chocolat.

Suivez la guide

Arrêtons-nous d'abord chez le chocolatier Debauve et Gallais dont l'histoire commence en 1759 quand le pharmacien Sulpice Debauve ouvre sa première boutique de chocolats à Paris. Il déménage une cinquantaine d'années plus tard rue des Saints-Pères dans le local qu'il occupe encore. Un neveu de Sulpice, Antoine Gallais, également pharmacien, s'associe ensuite à l'entreprise. Granola avant la lettre, il se spécialise dans les chocolats dits hygiéniques, comme le chocolat béchique et pectoral préparé au Tapioca des Indes contre les maladies pulmonaires et le chocolat au lait d'amandes contre les tempéraments échauffés. Marie-Antoinette raffolait apparemment de son Carré aux deux vanilles et de ses pistoles à la fleur d'oranger et au lait d'amandes. Baudelaire et Brillat-Savarin figurent parmi les clients célèbres de la maison. Anatole France rappelle même ses souvenirs d'enfance inspirés de Debauve et Gallais dans Le petit Pierre.

Marchons ensuite jusque chez Michel Chaudun qui a pignon sur la rue de l'Université depuis 1986. Formé chez Lenôtre, il travaille à l'arrière de sa minuscule mais splendide boutique dont les vitrines constituent un hymne à l'histoire et à la fabrication du chocolat. « L'intérieur est une bonbonnière en bois précieux couleur cacao », explique poétiquement Katherine Khodorowski. Dans les comptoirs, des montagnes de Balaos, Esmeraldas, Choronis, Orenoques, et Campeches nous mettent l'eau à la bouche. « Ses ganaches exceptionnelles, parmi les meilleures de France, méritent le détour : nature, mais aussi aux épices, au citron, et toutes d'un équilibre exceptionnel ! », commente-t-elle. On doit à cet artisan passionné le chocolat aux éclats de fèves et les subtils pavés, de purs délices !

« Plus il y a de mélanges, meilleur est le chocolat », m'apprend Michel Chaudun, surpris à décorer des oeufs de Pâques. « Le chocolat sera meilleur s'il provient de fèves de huit ou neuf pays différents. Le mélange lui apporte la finesse », ajoute celui pour qui la qualité passe avant tout. Devenu la coqueluche des Japonais, Michel Chaudun ferme son magasin parisien pendant deux semaines à l'époque de la Saint-Valentin, où se consomme 70% du chocolat au Japon, pour prêter main forte aux artisans qu'il a lui-même formés.

Jean-Paul Hévin, qui a fait ses classes au Japon justement, n'utilise que les fèves de cacao d'Amérique du Sud. Chef pâtissier depuis l'âge de 24 ans, meilleur ouvrier de France en 1986, élu à l'Académie française du chocolat et de la confiserie. Ses boutiques sont éparpillées aux quatre coins de Paris. En 1988, il ouvre son premier Salon de chocolat, qui a été relocalisé et agrandi l'année dernière, puis récidive avec deux autres élégantes boutiques inaugurées en 1990 et en 1997. Innovateur, il a créé les bâtons dynamiques au gingembre, véritables stimulants à déguster avec un café ou un verre de vin rouge plutôt poivré, et le chocolat au fromage, à base d'époisse, de roquefort, chèvre ou livarot à déguster à l'apéro. « On peut ne pas aimer », prévient la guide. Mais il faut goûter.

Repères

Debauve & Gallais, 30, rue des Saints-Pères (métro Sèvres-Babylone) et 33, rue Vivienne (métro Richelieu-Drouot)

Michel Chaudun, 149, rue de l'Université (métro Pont de l'Alma)

Jean-Paul Hévin, 3, rue Vavin (métro Vavin), 23 bis, avenue de la Motte-Piquet (métro La Tour Maubourg) et 231, rue Saint-Honoré (métro Louvre)

Louise Gaboury