Difficile de savoir qui, le premier, a eu la bonne idée de tremper un morceau de pain dans du fromage fondu parfumé au vin blanc.
On raconte que la fondue aurait été créée par les armaillis, ces pâtres des alpages qui vivaient dans un relatif isolement, se nourrissant de pain et de produits laitiers. Ils auraient développé l'habitude de tremper leur pain rassis dans du fromage fondu. Ce nouveau plat, né dans les montagnes, aurait ensuite doucement gagné la faveur des habitants des cantons du Valais, de Neuchâtel et de Fribourg. Introduit au menu de l'armée, il aurait atteint le statut de plat national de la Suisse après que les soldats en aient rapporté la recette dans leurs foyers.
Une légende attribue par ailleurs à un moine fribourgeois la paternité de la fondue. Ce gourmand aurait, vers le XIIIe siècle, cuisiné du fromage fondu pour contourner les rigoureuses règles du Carême. D'autres sources font référence à la première bataille de Kappel. En 1529, à l'époque des incessantes affrontements entraînés par la Réforme, des soldats ennemis peu motivés à se battre, auraient mis fin à la guerre en partageant la soupe au lait de Kappel, un camp ayant fourni le lait, l'autre, le pain. Même s'il n'est pas vraiment question de fromage ici, l'image sied bien à l'ambiance de convivialité qu'évoque la fondue.
Les origines de la fondue en font donc une affaire d'hommes et ce sont encore souvent les hommes qui la cuisinent. Olivier Schlegel, directeur général de Swiss pour le Canada, en perpétue la tradition au Québec en la préparant environ toutes les deux semaines pendant la froide saison. Établi depuis plusieurs années à Montréal, Olivier Schlegel a mis au point une version québécoise du plat suisse à base de gruyère, de vacherin québécois, de migneron et de cidre de pommes, mais partage volontiers son authentique recette de fondue suisse qui a fait ses preuves au Québec.
Pour quatre personnes, il utilise 300 grammes, de gruyère suisse et 150 grammes de fromage à raclette râpé à la main et 150 grammes de vacherin fribourgeois coupé en petits cubes. Il chauffe doucement les fromages râpés saupoudrés de fécule de maïs dans un caquelon préalablement frotté d'ail, un verre de vin suisse par personne, le fromage en cubes et un tout petit verre de kirsch dans lequel il fait diluer un rien de bicarbonate de soude. Il assaisonne sa fondue de muscade et de poivre frais du moulin. « C'est cinq minutes de travail pour trente minutes de plaisir », précise-t-il. Il choisit de préférence du pain de la veille qui tient mieux sur la fourchette puisque la coutume veut que celui qui échappe son morceau de pain paie la tournée ! La fondue se mange accompagnée d'un verre de vin blanc ou avec du thé. On peut servir à chaque convive un verre de kirsch dans lequel il humectera son pain avant de le tremper dans la fondue.
Il existe en fait plusieurs versions de la célèbre fondue, puisque les régions du Valais, de Neuchâtel, de Fribourg et du canton de Vaud l'apprêtent chacune différemment, utilisant les fromages et les vins qui lui sont propres. La fondue a également connu une certaine diversification ces dernières années. On voit maintenant au menu, sans que les Suisses ne crient à l'hérésie, de la fondue au fromage de chèvre, de la fondue aux champignons et de la fondue à la tomate qui se sert à la louche sur des petites pommes de terre bouillies. On fait même de la fondue au champagne, réputée plus légère. Cependant, même si la fondue et le chocolat sont suisses, la fondue au chocolat, elle, ne l'est pas. La preuve que le pays de la fondue et du chocolat ne se permet pas toutes les fantaisies.