Quelques années après l'ouverture de la Bibliotheca Alexandrina qui a attiré sur elle les regards du monde entier, Alexandrie revit. Curieux de voir son antique bibliothèque renaître de ses cendres et de découvrir les vestiges de sa grandeur passée, les touristes recommencent timidement à fréquenter la ville fondée par le Grec Alexandre le Grand en 331 avant le Christ.
Une autre Égypte
Tournant le dos à l'Égypte pharaonique et arrivant du Caire, Alexandrie paraît toute blanche au loin dans la brume ensoleillée. Il y a un peu de Nice et un peu d'Athènes dans cette ville à la fois d'ici et d'ailleurs. Tout au long de son histoire, Alexandrie a attiré les voyageurs, pacifiques ou guerriers, intellectuels ou commerçants. Ceux qui y sont restés ont formé une société à la fois hétéroclite et curieusement homogène jusqu'à ce que les nationalisations de Nasser ne sonnent l'heure de leur départ dans les années 1950.
Près de 150 ans plus tôt, le général ottoman Mohamed Ali posait les premières pierres de l'Alexandrie dite cosmopolite. En ouvrant officiellement la ville à l'immigration, en jetant les bases d'un état moderne, en favorisant la culture du coton et en construisant le port, il a accentué la force d'attraction d'Alexandrie. Plus tard, les commerçants enrichis de cette ville de diaspora embalés pour le « néo », ont fait construire les époustouflants édifices de styles néo-classique, néo-baroque, néo-Renaissance et néo-islamique qui caractérisent la ville.
Dans la foulée de la construction de la bibliothèque, l'actuel gouverneur d'Alexandrie, héritier spirituel de Mohamed Ali, a entrepris de grands travaux d'embellissement. Il a restauré la corniche, la plus longue de toute la Méditerranée, nettoyé les squares et encouragé la rénovation des splendides façades de la ville.
À la suite de ce coup de balai, plusieurs édifices ont retrouvé leur lustre d'antan. Le Théâtre Mohamed Ali, inspiré de l'Opéra de Vienne, a repris vie après une longue cure de jouvence. Les rénovations en cours au Musée des bijoux royaux fourniront un écrin plus approprié aux joyaux de la couronne tout en permettant aux visiteurs de découvrir de nouvelles salles de l'ancien palais byzantin où il est logé.
Malheureusement, plusieurs des trésors de celle qui fut la perle de la Méditerranée ont disparu ou demeurent cachés. Pour témoigner de ce qui n'est plus, la Bibliotheca Alexandrina propose une exposition de photos de la collection de l'architecte Mohamed Awad, ardent défenseur du patrimoine bâti d'Alexandrie.
Voyage dans le temps
L'Alexandrie cosmopolite n'est que la pointe de l'iceberg alexandrin, mais c'est là que commence le voyage à rebours. « Quand je marche dans cette ville, j'imagine ce qu'on peut trouver dans les différentes couches du sol jusqu'à 10-12 mètres sous mes pas, et ça me donne le vertige », déclare l'archéologue français Jean-Yves Empereur, fondateur du Centre d'études alexandrines qui s'affaire, depuis plus de 25 ans, à redécouvrir les Alexandries ensevelies.
De l'Alexandrie gréco-romaine, subsistent la colonne Pompée, le théâtre gréco-romain, les catacombes de Kom al-Shuqqafa et le Musée gréco-romain. Le tout nouveau Musée national d'Alexandrie fait le lien entre les passés lointain et récent en présentant une collection de trésors anciens selon les principes de la muséologie moderne dans une somptueuse villa de la Belle Époque qui abritait l'ancien consulat des États-Unis. On y trouve quelques objets découverts lors des fouilles sous-marines de l'équipe de Jean-Yves Empereur à l'ombre de la citadelle Quaitbay bâtie au XVe siècle sur l'emplacement et avec les matériaux du légendaire Phare d'Alexandrie, considéré comme une des sept merveilles du monde antique. Le fort, complètement restauré, a rouvert récemment.
À Alexandrie, l'essentiel est pourtant invisible pour les yeux. En se baladant dans les petites rues animées de la ville, il faut, comme Jean-Yves Empereur, être attentif au passé, tenter de dévoiler les visages cachés de cette ville mythique et imaginer, en revivant l'Histoire, toutes les vies qu'elle a vécues depuis 2000 ans.
Alexandrie pratique S'y rendre : Avions, trains et autocars desservent la ville au départ du Caire, à 220 kilomètres de là. Se loger : L'hôtel Cecil, fréquenté par une flopée de célébrités dont Tino Rossi, Agatha Christie et Lawrence Durrell, a servi de quartier général à Montgommery pendant la deuxième guerre mondiale. De sa terrasse sur le toit, on jouit d'une des plus belles vues sur Alexandrie. L'hôtel porte la bannière Sofitel depuis quelques années (www.accor.com). Tout à côté, l'hôtel Metropole construit en 1902, respire un parfum de luxe suranné. Le poète grec Cavafy y a écrit ses plus beaux vers (www.paradiseinegypt.com). Le El Salamlek Palace Hotel & Casino dans un somptueux édifice bâti en 1892 par un noble égyptien pour servir à la fois de camp de chasse et d'abri à ses amours avec une comtesse austro-hongroise. Le roi Farouk en a ensuite fait son bureau d'été où il recevait ses hôtes distingués. L'hôtel, qui donne sur les Jardins Montazah un des lieux de promenade favoris des Alexandrins, a gardé quelques pièces originales ayant appartenu au dernier souverain d'Égypte (www.sangiovanni.com). Se restaurer : Fish Market, un restaurant dit touristique très fréquenté par la clientèle locale, Elite qui date des années 1900, et les historiques salons de thé, comme Délices, sur la place Saad Zaghloul. |