Les grandes expositions, les festivals de musique, les célébrations de grands anniversaires agissent comme autant d'invitations au voyage. Un voyage culturel permet d'assouvir une passion pour la musique baroque, le ballet, la peinture ou l'histoire tout en s'ouvrant sur un pays, ou plus modestement, sur une ville. Un festival d'opéra qui se déroule dans la jungle amazonienne, par exemple, peut servir de prétexte pour explorer la région. Le rêve de fréquenter le Bolshoï, ou la Scala s'ouvrira sur autre chose, une croisière nordique, la découverte de Saint-Pétersbourg et de ses merveilles, ou l'appétit de découvrir la gastronomie italienne, les vins de Toscane ou ceux du Piémont...
On appelle « touriste culturel » celui qui voyage pour visiter et expérimenter des sites culturels et historiques, et pour connaître le patrimoine d'une communauté ou d'un pays.
Si l'espèce n'est pas nouvelle, elle est en croissance. Une enquête ATLAS révèle que la proportion de touristes en vacances culturelles a presque doublé entre 1997 et 2007. Elle se situait alors à plus de 30%. Un rapport signé par la Travel Industry Association of America a révélé que, en 1998, 46% des quelque 200 millions de visiteurs aux Etats-Unis avaient inclus au moins une composante culturelle, artistique, historique ou patrimoniale à leur voyage. Selon l'UNESCO, le voyage culturel et patrimonial est l'un des segments du tourisme international qui connaît la croissance la plus rapide. Les segments gastronomie, oenotourisme et tourisme religieux, qui ont le vent dans les voiles, sont également logés à l'enseigne du tourisme culturel.
Qui sont les voyageurs culturels ?
Les baby-boomers, en particulier les femmes, seraient la population cible de ce type de voyages. Plus instruits que les générations précédentes, les baby-boomers ont à la fois l'intérêt pour ces activités et les moyens de se les payer. Par ailleurs, la croissance de la popularité des escapades urbaines, s'inscrit dans cette tendance, surtout pour une clientèle un peu plus jeune.
En 2010, sur son blogue, Rossitza Ohridska-Olson estimait que le tourisme culturel est imperméable à la récession. « Cette clientèle ne voyage pas parce qu'elle dispose de deux semaines de vacances, mais par besoin de découvrir. Ce ne sont pas les prix qui la motivent, mais plutôt l'attrait des expériences nouvelles. En général, ils partent plus loin et plus longtemps que les autres voyageurs », écrit-elle. Une niche à occuper, quoi !
Les événements culturels
En 2009, un rapport de l'OCDE soulignait que le développement d'un thème est souvent lié à des événements culturels spécifiques, comme les commémorations de lieux, personnages célèbres et événements marquants. Aux Pays-Bas, par exemple, on a mis au point un système d'années à thème autour d'artistes célèbres comme Van Gogh et Rembrandt, ou d'événements, comme l'exposition Floriade. En 2006, l'année Rembrandt 400 a attiré 1,7 million de visiteurs, dont un million de touristes étrangers.
Selon une étude du Réseau de veille en tourisme, en 2007, les musées ont été les attractions touristiques les plus fréquentées (64%) devant les sites historiques (52%), les monuments (48%), loin devant les festivals, les concerts et les ballets. Les grandes expositions fournissent de belles occasions aux voyageurs culturels. Picasso et Monet, sont des valeurs sûres qui font courir les foules. En 1980, la rétrospective Picasso à l'affiche du MOMA à New York, avait fait date dans l'histoire du tourisme culturel. On avait du prolonger la durée de l'expo qui se déroulait à guichets fermés depuis près de deux mois et a finalement accueilli près d'un million de visiteurs...
À Paris, l'exposition Monet, qui s'est tenue cette année au Grand Palais, a accueilli un total de 913.064 visiteurs. Il s'agit de la plus forte fréquentation pour une exposition en France depuis l'exposition Toutankhamon, qui avait enregistré 1,2 million de visiteurs sur plus de six mois en 1967. Monet a mieux fait que Picasso et les maîtres, qui avait attiré 783.000 visiteurs il y a deux ans, sur douze jours de moins.
Tendances
Selon Rossitza Ohridska-Olson, les destinations émergentes d'Asie centrale, du Caucase, des Balkans devraient devenir les prochains rendez-vous culturels, comme celles d'Europe centrale et de l'Est, nimbées d'une aura d'exotisme que n'ont pas la France, l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne, mais dont les capitales, et quelques-unes de leurs villes et même de leurs villages sont toutefois toujours attirants pour ce marché de niche. L'Autriche, la Suisse et Monaco sont, selon elle, bien positionnées pour un tourisme culturel de luxe. En Asie, Rossitza Ohridska-Olson mise sur la Chine, le Vietnam, le Cambodge et le Bhutan, se détachent du lot, alors que le Pérou et le Guatemala sont en avance sur le peloton des pays d'Amérique latine.
Elle estime que le tourisme culturel deviendra plus participatif. « Les voyageurs achèteront des cours de tissage, de céramique, ou voudront participer à des recherches archéologiques. Le tourisme culturel devra être responsable et vert et continuera d'être étroitement lié aux nouvelles technologies. Internet le nourrit et les technologies mobiles le facilitent.
Rossitza Ohridska-Olson estime que les grands voyagistes qui occupent ce créneau, risquent de perdre du terrain au profit des plus petits qui peuvent fournir des services de type concierge ou boutique. Les voyagistes spécialisés sur une destination seront gagnants grâce à leur connaissance en profondeur du terrain.
« Avec la demande croissante pour des expériences uniques, les ministères et les offices de tourisme devront revoir leur image et leur présence sur différents marchés. Les destinations émergentes devront avoir une image de marque forte dans le domaine culturel pour faire face à une féroce compétition », conclut-elle.
Le cas des capitales européennes de la culture L'idée est venue de Mélina Mercouri et Athènes a parti le bal en 1985. Depuis Athènes, 42 villes ont été consacrées capitale européenne de la culture. Parmi celles qui auraient le plus profité de cette visibilité, Paris, en 1989, Avignon, en 2000 et Lille, en 2004. On a dit que l'image de Lille, dont les 2500 manifestations ont attiré 9 millions de visiteurs, en a été transformée. Elle est maintenant résolument positionnée vers la culture et l'art contemporain. Selon son maire, Martine Aubry, « Lille a fait gagner quelque 10 années de notoriété à notre territoire. » Istanbul, capitale européenne de la culture en 2010, vogue allègrement sur ce titre depuis. Cette année, c'est au tour de Tallinn, en Estonie et de Turku, en Finlande. En 2012, ce seront Maribor, en Slovénie, et Guimarães au Portugal, puis Marseille et la ville slovaque de Ko?ice en 2013. L'année suivante Riga, en Littuanie et Umeå en Suède seront sous les feux des projecteurs, puis Mons, en Belgique et Pilsen, en Tchéquie, et finalement, en 2016, San Sebastiàn, en Espagne et Wroclaw, en Pologne. |