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Article publié dans le webzine de Avril 2013

Le tourisme extrême : l’adrénaline comme carburant


Avant, on allait tranquillement se reposer sur une plage pour reprendre le retard dans nos lectures, on parcourait lentement les routes secondaire de France, on séjournait dans les grandes capitales et on « faisait » calmement les musées. Maintenant, on rêve plutôt de se défoncer. Les sentiers qui grimpent le Kilimanjaro sont presque devenus des autoroutes. On escalade des volcans, on fait du tourisme dans des pays en guerre, on traque les tornades et on voyage dans l'espace. Bienvenue dans le XXIe siècle, celui du stress et de la performance, qu'on redemande en vacances !

En général, on aime qu'il fasse beau pendant nos vacances, mais il existe des chasseurs d'ouragans, inondations et autres catastrophes naturelles qui n'ont que faire des journées ensoleillées. Pendant que voyagistes et agents de voyages s'arrachent les cheveux quand Affaires étrangères Canada lance un avis défavorable sur une destination, il se trouve des voyageurs pour s'y précipiter. Le tourisme dit de catastrophe a connu un essor après Katrina, comme après le tsunami de 2004.  Qui sait, la chute de météorites deviendra peut-être une attraction touristique...

Sky is the limit

Dans cette mouvance, on peut nager avec des requins (dans une cage, mais bon), visiter Tchernobyl (au départ de Kiev), Dharavi, le plus grand bidonville de Mumbai (après tout, le prince Charles et Bill Clinton y sont allés), voler à bord d'un Mig 29 (à Nijni-Novgorov), conduire un tank (ou autres viriles machineries lourdes). On peut aussi être victime d'un rapt organisé. Il paraît que ça s'est fait au Yémen...

Parmi les aventures extrêmes, la Grande traversée du Népal se distingue du lot. Ce trek en altitude le plus haut et le plus long du monde, traverse les plus imposantes montagnes ainsi que les communautés les plus isolées de la planète, rejoignant cinq pays d'Asie (Bhutan, Chine, Inde, Népal et Pakistan) et parcourt plus de 4 500 km de Namche Barwa, au Tibet, à Nanga Parbat, au Pakistan. Expéditions monde vend la partie népalaise : 152 jours pour traverser l'Himalaya et parcourir 1700km.

Dans la foulée du tourisme spatial, la Russie serait bien positionnée sur la voie du tourisme extrême, et non seulement avec le tourisme spatial. Volcans, hautes montagnes et bases militaires mettent le table pour un tourisme militaire qui permet de s'initier au pilotage d'un avion de combat ou à tirer à la kalachnikov. Nous sommes loin des cours de cuisine toscane...

Et ce n'est pas tout. Le très sérieux journal Le Monde évoquait l'année dernière l'existence d'un camp pseudo-militaire situé à Gush Etzion, au sud de Jérusalem où on pouvait apprendre à tirer avec une arme en s'entraînant sur des cibles en carton baptisées « terroristes », construire un plan de défense contre l'ennemi et gérer une attaque terroriste ou une prise d'otage. Vous avez dit « Paintball » ?

Voyageurisme, tourisme extrême, voyage-réalité, et quoi encore ?

Dans un article intitulé « Sur le voyageurisme et le tourisme extrême », l'anthropologue voyageur Franck Michel, auteur de Éloge du voyage désorganisé, parle de voyageurisme, il évoque le tourisme « soviétique » pratiqué en République populaire de Corée qui attire des clients curieux de « découvrir la dernière « vraie » dictature communiste » qui ont sans doute visité l'Afghanistan des talibans, l'Irak et l'Iran. Le « tourisme de guerre » se pratique apparemment en Colombie, aux Philippines, au Mali, en Algérie, au Pakistan et au Niger.

En plus de contempler la misère, on veut la ressentir. Ce qui nous amène à dormir dans une prison, comme ça se fait au Québec, à expérimenter une déportation stalinienne, ou les travaux forcés dans un faux (ou ex) goulag. En Thaïlande, un refuge pour sidéens accueille des touristes pour arrondir ses fins de mois.

Est-ce l'effet « Survivor » ? La télé réalité a fait son petit bout de chemin dans l'industrie touristique et donné ce que Franck Michel appelle le « tourisme réel ». Il cite l'exemple d'une activité touristique qui permet, après avoir fait du kayak dans la journée, de se mettre dans la peau d'un clandestin mexicain tentant un passage aux Etats-Unis, à mille lieues au sud du Rio Grande. Des villageois jouent le rôle de passeurs, d'autres de policiers, ce qui crée de l'emploi dans la communauté. Tourisme équitable ?


La recherche d'émotions fortes a donné naissance au balconing, une pratique dangereuse populaire chez les jeunes, consistant à se jeter dans une piscine du haut d'un balcon d'hôtel en étant plus ou moins imbibé. Pas vraiment de relation positive avec les populations locales, ici...

Ils n'en mouraient pas tous, mais...

« L'aventure recherchée ne doit pas tendre au tragique, mais en avoir le parfum. » (Franck Michel). Certaines aventures sont pourtant vraiment
dangereuses. C'est le cas de la route de la mort en Bolivie que les casse-cous descendent à vélo. Considérée comme la plus dangereuse de la planète, elle ne mesure que trois mètres de large et s'étire sur 64 très longs kilomètres, à une altitude allant de 4724 à 1128 mètres. Une centaine de personnes y perdent la vie chaque année, mais en 1983, on a recensé un total record de 320 morts. Evelyne Théberge, conseiller spécialiste chez Uniktour, a vendu ce voyage à des voyageurs de type « routard » au début de la trentaine qui ont déboursé environ 2500$ pour ce forfait.

Le prix à payer pour s'éclater

Uniktour a annoncé le mois dernier le lancement de son programme de tourisme spatial : le coût 95 000$ pour s'envoyer en l'air pendant une heure et expérimenter quelques minutes d'apesanteur. Pas à la portée de toutes les bourses...

Parmi les voyages extrêmes vendus par Evelyne Théberge, un safari à cheval en Afrique du Sud à des voyageurs dans la quarantaine, visiblement à l'aise. La facture : 5000$ par personne. « Des demandes de ce genre, nous en avons souvent, mais pas tous les jours. Nous avons tous les outils pour y répondre », commente-t-elle.

Plus modestement, les camps d'entraînement extrême ont droit à leur part du gâteau. Dans une analyse publiée sur veilletourisme.ca en avril 2011, Chantal Neault citait L'Asram, fondé en 1974 à Palo Alto en Californie, comme le berceau des vacances de privation de confort. Yoga, rando, baignade, musculation et repas végétariens : les clients sont occupés du lever au coucher (5h30 à 21h30). Le prix d'une semaine : 4 800$US, transport de l'aéroport de Los Angeles inclus...

Louise Gaboury