La beauté de Milan n'est pas évidente. C'est d'ailleurs pour cela que Catherine Paré l'a choisie. Cette Québécoise, établie à Milan depuis neuf ans, m'avait prévenue. « Le charme de Milan ne saute pas aux yeux comme celui de Rome ou Florence. Ses plus beaux attraits sont souvent cachés ».
Quelques minutes plus tard, près de la gare centrale, elle me fait remarquer des colonnes d'acier joliment travaillées à peine visibles à l'intérieur de l'Intituto Galvani une école construite vers la fin du XIXe siècle pour les enfants des ouvriers des usines Pirelli. Cette joliesse nous a été révélée grâce aux grandes fenêtre prévues par son architecte, Camillo Boito. « Milan, c'est comme ça. Il faut bien ouvrir les yeux », insiste ma guide d'un jour.
Chef-d'oeuvres et petits trucs sympas sont retranchés derrière des façades austères, ou camouflés derrière un pudique rideau d'arbres : il suffit de pousser une porte ou une grille pour découvrir.
Beautés insoupçonnées
Bien sûr, le Duomo ne passe pas inaperçu, ni la Galleria Vittorio Emmanuele II. De l'extérieur au moins, la Scala est déjà plus modeste, mais le trésor milanais le plus précieux, la Dernière Cène, se cache bien à l'abri des regards dans le réfectoire de l'église à Santa Maria delle Grazie e Cenacolo. On découvre finalement l'immortel chef-d'oeuvre non sans avoir erré un peu et.... réservé des semaines à l'avance par téléphone ou Internet. De la même façon, mais sans réservation cette fois, on arrive finalement à la Pietà Rondanini, émouvante oeuvre inachevée de Michelangelo Buonarroti, à la toute fin du parcours du Musée d'art ancien logé dans le Castello Sforzesco.
Deux maisons musées signées Portaluppi
Dans la discrète maison musée Boschi Di Stefano, un appartement presque anonyme niché dans un immeuble signé par l'architecte milanais Piero Portaluppi, sont exposées plus de 200 oeuvres témoignant de l'art moderne italien, du début du XXe siècle jusqu'aux années soixante. Une façon originale de se familiariser avec les oeuvres de Piero Marussig, Massimo Campigli et Mario Sironi, notamment. Les murs de cet appartement typique des années 1930, même ceux de la salle de bains, croulent sous les peintures. Sculptures, lustres en verre de Murano et mobilier signé par Portaluppi lui-même complètent la collection léguée à la ville en 1974. La visite est libre gratuite. Il suffit de trouver l'endroit...
La Villa Necchi-Campiglio, un des chefs-d'oeuvre de ce même Portaluppi, se cache dans un écrin de verdure, à l'abri des regards. Lors de sa construction, l'architecte a eu carte blanche et budget illimité. Les propriétaires, les soeurs Nedda et Gigina Necchi héritières de la fortune des machines à coudre éponymes et Angelo, l'époux de Gigina, gynécologue non pratiquant ayant opté pour les affaires, jouissaient de revenus adéquats pour se permettre cette petite excentricité, et la jouissance de la première piscine chauffée de Milan.
Si la maison reflète bien le style de l'architecte, notamment par la présence de son motif fétiche, le losange, son oeuvre a été un peu dénaturée par les Necchi-Campglio qui, après quelques années, ont eu envie d'un peu plus d'ostentation, question d'impressionner les têtes couronnées reçues chez eux.
Le salon et la chambre des maîtres illustrent le style ronflant de Tommasso Buzzi qui s'est chargé de la « mise à niveau ». Rénovée encore plus tard, la chambre dite de Marie-Gabrielle de Savoie s'inspire ainsi plus de Versailles que du Bauhaus... Si certains des éléments originaux ont été récemment redécouverts, d'autres sont perdus à jamais. Quelques meubles conçus par Portaluppi ont heureusement survécu aux velléités aristocratiques des Necchi-Campiglio.
La maison se visite uniquement avec un guide. Parmi la centaine de guides bénévoles, Catherine Paré, qui me quitte après m'avoir montré des flamants roses cachés dans le jardin du Palazzo Inverzzini : une autre curiosité que le voyageur peu attentif risquerait de manquer...
Infos sur les deux maisons musées : www.casemuseomilano.it
ENCADRÉ
Même les visiteurs qui ne comptent pas faire de shopping à Milan (ça existe ?), ne devraient pas bouder le grand magasin Rinascente pour autant. Surtout que tout en haut, sur la terrasse, on jouit d'une vue imprenable sur les gargouilles du Duomo. Ici, l'essentiel est tout à fait visible pour les yeux...