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Article publié dans le webzine de Juillet 2009

Sur les pas du commissaire Brunetti


 Il était une fois un commissaire de police vénitien féru d’histoire et lecteur des immortels classiques grecs et romains appelé Guido Brunetti. Depuis une quinzaine d’années, à raison d’une nouvelle aventure par année, ce commissaire, né de l’imaginaire de Donna Leon, poursuit les criminels sur tout le territoire de la Sérénissime, de canal en ruelle, et de ruelles en placettes.

Au fil de ses enquêtes, Brunetti nous fait découvrir l’aristocratie vénitienne, le milieu de l’art ou celui de la musique. Rien ne nous est épargné, ni les problèmes de pollution, ni la corruption. Connaissant bien Venise pour y être né et y avoir vécu presque toute sa vie, le commissaire Brunetti sera notre guide pour cette visite de Venise, lui qui arpente sans arrêt les six quartiers (sestieri) de la ville. Il y a peu de violence dans les polars de Donna Leon. Les crimes sur lesquels enquête Brunetti ont habituellement lieu en coulisses. Ils laissent toute la place à la beauté de Venise comme on ne l’a pas souvent vue.

L’itinéraire Brunetti

Les voyageurs qui arrivent par voie terrestre de l’aéroport ou de Mestre atterrissent sur la Piazzale Roma, terminus du trafic motorisé. C’est là que des voitures de police attendront Brunetti, qui n’a pas de voiture, s’il doit se déplacer hors de la ville dans le cadre d’une enquête. La gare Santa Lucia est située tout à côté. Notre commissaire y prend également le train à l’occasion pour traquer l’assassin.

Le quartier général de Brunetti se trouve à la questure, située dans le quartier Castello, en face de l’église San Lorenzo dont il peut admirer la façade de briques de la fenêtre de son bureau. Dès qu’un meurtre est découvert sur le territoire de la Sérénissime, Brunetti quitte illico ou la questure, ou son appartement avec vue situé dans le quartier San Polo. Il prend alors la vedette de la police, le vaporetto ou un traghetto pour gagner rapidement le lieu du crime. Autrement, il adore marcher dans Venise.

Suivons le quand il s’avance d’un pas pressé dans cette ville magnifique, impatienté par les touristes qui le ralentissent pour cause de prise de photos ou de lèche-vitrines. Plusieurs sont bien comme il les décrit : à moitié nus, obèses et trimbalant de grosses bouteilles d’eau. Il ne comprend pas toujours leur comportement, ni par exemple leur fascination émerveillée pour les passerelles que l’on déploie en période d’acqua alta, un phénomène qui le met en rogne.

En cours de route, il achète Il Gazettino, le quotidien qu’il aime bien détester. Au comptoir d’un bar, il prend un café coretto ou une ombra, ce petit verre de vin gardé au frais, à l’ombre, d’où son nom.

De campo en campo

 S’il a tout son temps, ou s’il a besoin de calme pour réfléchir à une enquête, Brunetti choisira son itinéraire de façon à ce qu’il le mène vers ses campi préférés. À Venise, seule la noble place Saint-Marc mérite le nom de Piazza. Toute autre place est baptisée campo, ou campiello si elle est très petite. Les campi ont quelque chose de villageois. Ils étaient autrefois des champs et un ou deux arbres, peut-être témoins de cette époque,  ombragent maintenant des terrasses de cafés. Les campi ouvrent la porte sur une autre Venise, une Venise où le bruit des pas remplace la musique du clapotis de l’eau.

Depuis son enfance, Brunetti aime le campo San Paolo qui lui plaît notamment parce qu’il n’est pas encombré de commerces. Le campo SS Giovani e Paolo est trop petit à son goût et il trouve la statue de Colleoni encombrante. Le campo San Bartolomeo avec la statue souriante de Goldoni, lui apparaît parfois surréaliste. Le campo Manin, où, son épouse Paola lance une pierre dans la vitrine d’une agence de voyages pour protester contre le tourisme sexuel, dans L’affaire Paola, lui rappelle de vilains souvenirs… Selon lui, le campo Santa Margherita, drôlement dessiné, est trop bruyant, surtout depuis qu’il est devenu à la mode, ce qui ne l’empêche pas de s’attabler à la gelateria située en face de la pharmacie, pour y cueillir les aveux d’une meurtrière dans About Face, le dernier polar de Donna Leon, non encore traduit en français.

Les campi sont la plupart du temps dominés par une église. Même s’il n’est pas pratiquant, le commissaire s’arrête volontiers dans une des quelque cent églises de la ville pour admirer une œuvre d’art, notamment celle de San Paolo avec ses quelques œuvres du Tintoret et son chemin de croix  de Tiepolo, ou l’église dei Miracoli, considérée comme une des plus belles de Venise.

Brunetti connaît les nombreuses ramifications des ruelles de Venise dont certaines sont si étroites qu’on a peine à y déployer un parapluie au-dessus de sa tête, et d’autres qui n’affichent même pas leur nom, comme la calle dello Squero Vecchio où le conduit une enquête.

Le Brunetti gourmand

Le carnet d’adresses gourmandes de Brunetti est bien garni. Il prouve qu’on peut bien manger à Venise, plus connue pour sa gastronomie traditionnelle que pour la qualité de ses restaurants, dont peu jouissent d’une clientèle fidèle. Antico Panificio, sur le campiello del sole, dans le quartier San Polo en fait partie, mais peut-être pas pour longtemps puisqu’il est mentionné par le Routard! Parmi les restaurants qu’il fréquente, Al Covo (Castello) et Do Forni (San Marco), sont deux établissements où les habitués se mêlent aux touristes.

En été, Brunetti s’arrête à l’occasion la gelateria Nico, près de l’église des Gesuati, sur le quai du même nom, dans le Dorsoduro. Il  apprécie la terrasse d’un bar voisin, Il Cucciolo, mais déplore la grossièreté de ses serveurs… Pour du café et des gâteaux, il aime Ballarin (Dorsoduro et Castello) et Rosa Salva, notamment sur le campo SS Giovanni e Paolo dont il vante les petits gâteaux à la ricotta.

 Souvent, en rentrant chez-lui pour le lunch, il traverse le marché du Rialto et achète des fruits et légumes de saison qui lui font envie, ou des gourmandises pour ses enfants, comme les fave, de petits gâteaux ronds aux amandes qu’on ne trouve qu’à la Toussaint.

 Au fil des pages, nous devenons familiers de son fleuriste préféré, Biancat, des boutiques où les Brunetti se fournissent en fromage (Casa del Parmigiano) et en fruits et légumes (Da Giorgio), près du pont du Rialto, dans San Paolo.

La cuisine de Paola nous met l’eau à la bouche : risotto aux épinards, porc aux champignons, fusilli aux olives noires, mozzarella et basilic : elle concocte midi et soir de véritables festins pour sa famille.  Les effluves de sa cuisine accueillent chaque jour Brunetti dans escalier qui monte chez lui.

 

 

À la demande générale des lecteurs qui voulaient en savoir plus, Donna Leone a persuadé sa fidèle amie vénitienne de mettre par écrit son savoir-faire culinaire. Le livre devrait sortir en allemand cette année, en anglais l’an prochain et en français, probablement en 2011. Après nous avoir donné d’inoubliables images de Venise, Donna Leon partagera avec nous les parfums et les goûts de sa cuisine.

 

 

 

La Venise de Donna Leon

Donna Leon ne supporte pas le tourisme de masse et vit pourtant depuis plus de 25 ans à Venise, une ville de 60 000 habitants, envahie par des millions de touristes chaque année. « Quand je suis venue ici la première fois, à la fin des années 1960,Venise n’était qu’une petite ville provinciale qui avait la particularité d’être bâtie sur l’eau », rappelle-t-elle. Née dans le New Jersey, Donna Leon  a quitté les Etats-Unis il y a quelques dizaines d’années, d’abord pour enseigner l’anglais au Moyen-Orient, avant d’être prof près de Venise. Elle parle italien et comprend le vénitien. Elle vit à l’italienne et prend tous les jours le café avec Roberta, l’amie rencontrée à son premier séjour à Venise dont la famille est devenue la sienne, et à qui elle doit en partie son extraordinaire connaissance de la ville.

Il fallait d’y attendre, Donna Leon partage les idées de Brunetti sur la dégradation de la vie des Vénitiens. « Les commerces alimentaires ferment et nous obligent à aller sans cesse plus loin acheter notre lait. Ils sont remplacés par des boutiques de souvenirs », déplore-t-elle.

Seulement 20% des maisons de Venise sont habitées par des Vénitiens. « Le problème ne tient pas nécessairement au fait que beaucoup d’étrangers y vivent, mais, comme ils n’y vivent pas toute l’année et n’y font pas réparer leurs chaussures, n’achètent jamais de boutons et ne vont pas chercher leur pain tous les jours, les commerces de proximité cèdent lentement mais sûrement la place aux boutiques de souvenirs. » Pour éviter les hordes de touristes, elle a choisi d’habiter un quartier où ils s’aventurent rarement et elle fait ses courses tôt le matin. Pendant le carnaval, elle fuit à l’étranger. Malgré cela, elle ne vivrait pas ailleurs qu’à Venise, ne serait-ce que pour l’absence de voitures….

Romans policiers de Donna Leon traduits en français : Mort à la FeniceMort en terre étrangèreUn Vénitien anonymeLe prix de la chairEntre deux eauxPéchés mortelsNoblesse obligeL’affaire Paola,Des amis haut placésMortes-eauxUne question d’honneurLe meilleur de nos filsDissimulation de preuvesDe sang et d’ébèneRequiem pour une cité de verre, et Sans Brunetti, un recueil de textes écrits entre 1972 et 2006. La prochaine traduction française de l’avant-dernier polar de Donna Leon sera publiée en mars 2010.

 

 

 

Carnet d'adresses

. Air Transat vole directement vers Venise au départ de Montréal le vendredi jusqu’en octobre. Retour le samedi. 

Hébergement :

 .Pour se plonger dans la Venise de Brunetti, on peut choisir le Fenice hôtel près du théâtre du même nom (San Marco) où se déroule le premier meurtre sur lequel Brunetti enquêtera sous la plume de Donna Leon. (www.fenicehotel.com). L’hôtel Boscolo Bellini (Cannareggio) est situé près de la gare et gare et à une dizaine de minutes de la piazzale Roma où arrivent les bus qui desservent l’aéroport (www.boscolohotels.com). Sur un registre plus modeste, l’Istituto Ciliota, situé entre la place Saint-Marc et le Pont de l’Accademia (San Maro), propose des chambres spartiates mais climatisées. Le petit déjeuner compris est plutôt quelconque et le café, déplorable (www.ciliota.it/).

. Carte interactive de la Venise de Brunetti, publiée par l’agent de Donna Leon. Elle est en allemand seulement, mais les noms de lieux sont en italien : www.diogenes.ch/media/public/venedig/index.html

D’autres infos sur la Venise de Donna Leon :www.groveatlantic.com/leon/leon.htm

 

 

 

 

 

 

Louise Gaboury