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Article publié dans le webzine de Septembre 2013

Voyager pour goûter le monde : essor du tourisme culinaire


On ne parle pas ici de tourisme gastronomique, un tourisme élitiste qui amène les bien nantis bien vêtus, d'un étoilé Michelin à l'autre. Non, il s'agit d'une nouvelle forme de tourisme qui permet de découvrir les produits locaux et de goûter les spécialités régionales. Dans cette mouvance, les marchés deviennent des attractions touristiques d'autant plus intéressantes qu'ils permettent le contact avec la population. Le touriste culinaire voyage pour manger.

Comme le soulignaient Amélie Racine et Maïthé Levasseur dans Le tourisme durable par la voie culinaire, paru en décembre dernier dans veilletourisme.ca, « la gastronomie est devenue un élément indispensable pour connaître la culture et le mode de vie d'un territoire. » Elles citent le Global Report on Food Tourism  de l'OMT selon lequel « la popularité du tourisme culinaire résulte de la croissance des offres de qualité et de la consolidation d'un marché distinct ».

Selon Hersch Jacobs, de Ryerson et Florence Smits, de l'Université de Metz, « le tourisme culinaire se distingue du tourisme gastronomique où la qualité, voire l'excellence, priment, car le touriste culinaire ne cherche pas forcément à « bien manger », mais à « manger vrai », à saisir l'esprit du lieu à travers les aliments consommés et des activités variées ». Selon eux, le touriste culinaire ne doit pas avoir l'impression de se nourrir, mais bien de profiter d'une rencontre avec un lieu et les gens qui l'habitent.

L'Italie et la France dans le peloton de tête

Selon un article d'Alberto Capatti paru dans Téoros, le tourisme gourmand serait né en Italie dans les années 1930 alors que le régime encourageait la consommation des produits nationaux et relançait la visite des régions grâce à son réseau ferroviaire.

L'Italie est aujourd'hui au coeur du tourisme culinaire grâce notamment aux voyages de Josée Di Statio, Ricardo et compagnie qui n'ont de cesse de nous faire découvrir les délices du Bel Paese. Grâce à eux et à leurs congénères, les cours de cuisine à l'étranger font recette.

Proche parent du tourisme culturel et du « slow travel », le tourisme culinaire s'accommode du tourisme de séjour (dans un agriturismo, pourquoi pas ?) comme du tourisme itinérant qui l'emmène sur diverses routes, celles des vins comme celles de l'huile d'olive ou du fromage de chèvre. Il est bien inscrit dans un territoire, et parfois aussi dans le temps quand il s'agit de produits saisonniers : de la truffe, blanche ou noire, à l'artichaut violet.  Il y a bien sûr les grands événements reliés à la chose alimentaire, comme les différents festivals et la Fête de la Gastronomie en France qui se tiendra cette année du 20 au 22 septembre.

Pays de traditions culinaires par excellence, la France fête ses produits et spécialités tout au long de l'année, notamment la truffe et l'oie à Sarlat, le boeuf gras à Bazas, le citron de Menton, le jambon de Bayonne, le melon de Cavaillon, la pogne et la raviole de Romans, le piment d'Espelette, la volaille de Bresse, le cassoulet de Castelnaudary, et l'ail rose de Lautrec.

Surprenant en cette époque de mondialisation où on peut trouver presque tout presque partout, qu'il se trouve des gens qui voyagent jusqu'en Campanie pour goûter la vraie Mozzarella di buffala, ou dans la vallée d'Aoste pour la Fontina. Et pourtant !

Loin d'être l'apanage de quelques riches et célèbres, le tourisme culinaire intéresse également les voyagistes de masse. En collaboration avec le mouvement Slow Food, Transat a mis sur pied des itinéraires qui permettent de rencontrer des producteurs et de manger authentique en Italie, notamment en Toscane et en Vénétie. Tours Mont-Royal propose cette saison une approche gustative des destinations et c'est un « plat avec vue » qu'on trouve à la une de la brochure. Même les circuits s'y mettent. Le circuit toscan de Groupe Voyages Québec comprend notamment la visite d'une usine de pâtes et d'une ferme agricole d'oliviers suivie d'une dégustation d'huile d'olive. Dans Europe 50 itinéraires de rêve, Tours Chanteclerc souligne les plats typiques de chaque pays et de quelques régions : frite belge, canoli siciliens, sacher torte viennoise et tutti quanti !

Les initiatives de tourisme gastronomique prennent plusieurs formes : rencontres avec des producteurs, ateliers de cuisine, visites de marchés et de centres d'interprétation, et itinéraires variés.

Si les Relais & Châteaux proposent leurs routes du bonheur dans le luxe en France, en Italie, au Bénélux, en Suisse, etc., les Cafés de pays français y vont d'un itinéraire plus convivial. Ces lieux de rencontre accueillent aussi bien les gens du village que les visiteurs, autour d'un verre, d'un plateau de charcuteries ou du plat du jour. Même si certains établissements proposent une cuisine plus sophistiquée, on y mange surtout des choses simples à saveur locale et on y boit toujours le vin de la région.

Plusieurs activités peuvent être organisées autour d'un même produit. Lors d'un séjour autour de la truffe dans le Vaucluse, par exemple, les visiteurs peuvent participer à la cueillette des truffes avec un trufficulteur et son chien, s'inscrire à un atelier de cuisine, visiter un musée consacré à la chose, loger chez un trufficulteur, fréquenter les marchés spécialisés et en déguster, bien sûr. À Richerenches, l'expérience « truffe » peut même se compléter par la messe de la truffe suivie d'un encan et d'un repas convivial.

Dans les villes, on propose de plus en plus des visites guidées de lieux liés à la tradition culinaire. À Montréal, les voyageurs gourmands passeront par les temples du smoked meat, du bagel et de la poutine, en plus des marchés Atwater et Jean-Talon, devenus d'incontournables pôles d'attraction. À Gand, on visitera un très ancien magasin de moutarde. À Dijon aussi, mais on s'attardera également à la fabrication du pain d'épices. Churros et tapas sont au menu de tous les voyages en Espagne. À Venise, on dégustera des cichetti avec un Spritz Apérol, à Turin, on boira le bicerin et à Trieste, on visitera le berceau du café Illy, avant d'y goûter, bien sûr.

Sur www.fodors.com, Kathleen Squires proposait récemment les sept meilleurs voyages autour de la bouffe et du vin pour 2013. La liste comprenait

  1. La cueillette et la composition d'un pique-nique à partir des produits de Summer Lodge au Royaume-Uni (en mai et novembre).
  2. La pêche au saumon en Alaska (de juin à septembre)
  3. Les vendanges à Schramsberg Vineyards à Calistoga en Californie (en septembre)
  4. La cueillette du café au Costa Rica, sur la plantation Finca Rosa Blanca (d'octobre à janvier)
  5. La pêche au crabe des neiges à Kirkenes, en Norvège (de décembre à avril)
  6. La pêche aux conques aux Turks & Caicos
  7. Les fromages d'Afrique du Sud où un festival attire chaque année 30 000 visiteurs curieux de goûter les produits de 80 producteurs (avril).
Louise Gaboury