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Article publié dans le webzine de Août 2014

Palio : ils sont fous ces Siennois!


Le Palio de Sienne attire tous les regards deux fois par année, le 2 juillet et le 16 août. Cette folle course de chevaux qui exacerbe la rivalité entre contrades, ne dure quelques minutes autour de la splendide Piazza del Campo. Elle donne pourtant lieu à des semaines de préparation, de tractations et de cérémonies avant et, pour les gagnants, à des semaines de réjouissances, après…Mais le Palio n’est que le pointe de l’iceberg de la vie des contrades siennoises.

Pas de Palio sans contrade

On peut dater les origines du Palio de Sienne à la Renaissance, même s’il a existé dans la ville des jeux de guerre au Moyen-Âge. À chaque Palio s’affrontent 10 des 17 contrades de la ville, selon des règlements codifiés en 1729, où le hasard garde une place.

Les contrades ont des noms évocateurs et colorés : la Tortue, l’Onde, la Louve, la Coquille, l’Oie, le Hérisson, le Dragon, la Chouette, l’Escargot, la Panthère, l’Aigle, la Chenille, la Licorne, le Mouton, la Giraffe, la Forêt et la Tour. Le choix du thème a pu être inspiré de la mythologie,  d’un certain exotisme, ou d’images de la Renaissance.  Depuis, les « mascottes » marquent l’identité des contrades.sienne-la-dame.jpg (image - 300 x 200 free)

« Tout est symbolique à Sienne », explique Simonetta Losi, qui me reçoit sur le territoire de l’Onde à laquelle elle appartient. Les couleurs de l’Onde sont le blanc et le bleu, son animal est le dauphin, et sa devise, « La couleur du ciel et la force de la mer ». En plus de représenter l’eau, l’Onde rappellerait également les collines siennoises.

Ces 17 contrades, qui représentent les quartiers de Sienne, sont à la base de l’organisation sociale et politique de la ville. Chaque contrade est dotée d’une sorte de mini parlement où on pratique la démocratie directe. « Le vote se fait à main levée, sauf quand il concerne des personnes », précise ma guide.

« Placée sous le signe de la solidarité, chaque contrade a son église et ses services communautaires. C’est comme une grande famille. Nos racines sont dans la contrade et chacun travaille selon ses capacités et ses moyens pour le bien commun. Les membres sont incités à donner le meilleur d’eux-mêmes, en argent ou en temps avec le bénévolat», poursuit-elle. C’est toujours à leur contrade que va la loyauté des Siennois.

On est d’une contrade parce qu’on est né dans cette contrade. On n’en change pas; ce serait terriblement mal vu. La contrade est présente tout au long de la vie, de la naissance à la mort. Le baptême officiel se fait dans la contrade. C’est le seul qui compte. Le sentiment d’appartenance est ici très fort.

Il existe des contrades alliées et des contrades ennemies et les alliances peuvent évoluer dans le temps. Les mariages peuvent être déchirants, puisque les Siennois pourraient éventuellement se marier avec quelqu’un d’une contrade ennemie. Les enfants nés en dehors de la ville seront « adoptés » par la contrade du père ou de la mère.

Trois petits tours…

Le Palio, une fête laïque quoique toujours dédiée à la Madone (le 2 juillet, à Sainte Marie de Provenzano et le 16 août, à Notre Dame de l’Assomption), fait partie intrinsèque du patrimoine de la ville toscane. Le jour du Palio, les chevaux sont bénis dans l’église de la contrade qu’ils représentent, ce qui peut donner lieu à des scènes cocasses. En fait, le jour du Palio, le spectacle est beaucoup dans la rue où les cortèges des contrades se succèdent tambour battant, avant que jockeys et chevaux ne s’affrontent sur une des plus belles places du monde pour une épreuve aussi brève que dangereuse.

Pendant le Palio, les contrades alliées ne s’aident pas. Sur le Campo, elles sont toutes rivales, ce qui n’empêche pas des alliances temporaires, non pour gagner, mais pour tenter d’arracher la victoire à une contrade ennemie.

Le Palio doit son nom au drapeau de soie colorée (palio) remis à la contrade victorieuse. Son motif change à chaque course. Il y en a de splendides, et d’autres très anciens dans la collection conservée au musée de la contrade de l’Onde, au sous-sol de son église.

Le jour de notre rencontre, la contrade de l’Onde était particulièrement fébrile parce qu’elle célébrerait ce soir-là sa victoire au dernier Palio d’août, au cours d’un fastueux festin. « C’est celui qui gagne le Palio à qui ça coûte le plus cher, avec toutes les fêtes qui soulignent la victoire », conclut  Simonetta avec le sourire espiègle qu’elle affiche quand elle parle des bizarreries siennoises. Plus d’un mois après le Palio, les rues de la contrade de l’Onde pavoisaient toujours.

Quoique très fréquenté par les étrangers, le Palio n’est pas d’abord une attraction touristique. Il est la manifestation ultime de la culture et des traditions de la ville. C’est un moment magique pour saisir la folie de la ville, mais la contrade, pour les Siennois, demeure plus importante que le Palio.

www.ilpalio.org

Louise Gaboury