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Réjouissances de Mi-Carême à Stavelot


Stavelot, située à 55 kilomètres de Liège, au coeur de la Belgique francophone, fête la Mi-Carême selon un cérémonial inauguré il y a plus de 500 ans.

Le carnaval des Blancs Moussis est aussi connu sous le nom de Laétaré, premier mot de l'Introït du quatrième dimanche du Carême, un terme latin qui signifie réjouis-toi. L'expression est prise au sérieux à Stavelot où on ne badine pas avec les réjouissances.

Dans cette commune de 6000 habitants qui s'est développée autour d'une abbaye fondée vers l'an 650, la tradition du Laétaré remonterait à la toute fin du XVe siècle ou aux premières années du XVIe siècle. En réaction à un certain relâchement des moeurs, un prince-abbé très strict interdit à ses moines de participer au traditionnel carnaval. Les Stavelotains auraient protesté en se déguisant en moines pour que les vrais moines passent inaperçus dans la foule de fêtards. Le prince-abbé qui n'avait apparemment aucun sens de l'humour, interdit alors le port du costume de moine que les Stavelotains remplacent par un vêtement blanc à capuche. Ils s'affublent en plus d'un masque au long nez. Le Blanc Moussis, qui, en wallon, signifie vêtu de blanc, était né.

Il y a peu de traces écrites des plus anciens Laétarés, mais la manifestation a su, tant bien que mal, résister au passage du temps. La tradition a connu un deuxième souffle à partir de 1947, portée à bout de bras par une vingtaine de jeunes Stavelotains. La Confrérie des Blancs Moussis compte maintenant 300 membres qui s'en donnent à coeur joie lors des fêtes du Laétaré, maintenant échelonnées sur trois jours.

Chaque année, en mars, les vieilles rues pavées bordées de maisons anciennes de Stavelot sont envahies de milliers de touristes pou le Laetaré. Toute la journée du samedi, la vieille ville décorée de ballons résonnera de la musique de fanfare, de chants folkloriques en wallon et de chansons populaires, relayées par un système de haut-parleurs.

Le samedi soir, un défilé hétéroclite et presque anarchique donnera la vedette à quelques dizaines de jardiniers, prisonniers, danseuses espagnoles, punks et punkettes, autochtones, Obélix et Cléopâtre, jeunes émules de Claude François etc. qui égaieront les rues de la ville avant de s'éparpiller pour aller continuer de fêter dans les cafés de la ville.

C'est le dimanche qu'a lieu le véritable événement. Dans la nuit, les colleurs d'affiches auront commencé à tapisser les murs de la ville de centaines de petites phrases sibyllines, énigmes humoristiques visant les commerçants et les notables. À la fin de l'avant-midi, les Blancs Moussis se rassembleront à l'abbaye pour participer au repas officiel qui précède le cortège, au cours duquel seront intronisés, non sans humour, les nouveaux membres de la Confrérie.

Le cortège s'ébranlera vers 14 heures. Jouissant de l'anonymat que leur procure leur costume et leur masque au long nez, les Blancs Moussis s'éclateront en bombardant la foule de tempêtes de confettis, en flagellant les passants avec des vessies de porc remplies d'eau ou en brandissant un hareng saur au bout d'une ligne pour taquiner les spectateurs. Une dizaine de tonnes de confettis, fabriqués par la Confrérie à partir de chutes de papeterie, sont bombardées sur la ville chaque année. Les visiteurs en emporteront malgré eux dans leurs vêtements et dans leurs chaussures.

Le cortège sera suivi du Rondeau des Blancs Moussis, sorte de danse autour du porche de la place St-Remacle, et la journée se terminera par un grand feu d'artifice. Les Blancs Moussis regagneront ensuite l'abbaye pour leur traditionnelle nuit blanche d'où ils émergeront, aussi blancs que leurs costumes, qui auront perdu un peu de leur superbe, mais le coeur toujours à la fête. De facéties en facéties, ils iront réveiller les clients d'un hôtel à qui ils offriront le champagne, payé par le patron, avant d'aller dormir un peu pour refaire leurs forces en prévision du bal de clôture.

Demain, on recommencera (peut-être) à faire Carême. Il ne restera plus qu'à nettoyer la ville de cette manne de confettis multicolores qui jonchent le sol, et à en recommencer la production en vue du 506e Laétaré.

Louise Gaboury