Naviguant dans les parages à l'époque de la fondation de Québec, Samuel de Champlain l'a baptisé Cap Blanc, un nom depuis tombé dans l'oubli. Le duc Louis-Philippe II d'Orléans y serait passé à la fin du XVIIIe siècle, pendant son exil aux Etats-Unis, le temps de donner son nom à Orleans, la petite ville qui occupe le repli du bras recourbé que forme le Cape. Un siècle plus tard, le premier câble transatlantique reliait la Bretagne à Cape Cod, via Brest et Saint-Pierre et Miquelon.
À quelques décennies et quelques dizaines de kilomètres de là, attablée au Naked Oyster Raw Bar, devant une assiettes d'huîtres et une flûte de champagne, je bavarde en français avec la propriétaire, Florence Lowell. Cette Française a épousé un Américain et vécu au Texas avant de s'établir à Cape Cod. Depuis quelques années, elle règne sur ce bistro de Main Street à Hyannis. Si la cuisine est locale, agrémentée d'un soupçon d'influence mexicaine, la carte des vins est bien française et le champagne s'y vend au verre. « Quoi de mieux pour accompagner les huîtres? » demande Florence en souriant. Ici, on a un parti pris pour les poissons et fruits de mer locaux. Le parc à huîtres de Florence, situé du côté de Barnstable Harbor fournit 380 000 huîtres par année, de quoi alimenter le restaurant.
La France est également présente de l'autre côté de Main Street, au café La petite France. Ici, on sert des croissants et des sandwiches sur baguette. Le propriétaire, Ian Parent est d'origine québécoise. Sa femme, Heidi a étudié le français à l'Université du Vermont et à l'Université de Nice. Le café est d'ailleurs décoré de souvenirs de la Côte d'Azur.
L'été dernier, il y avait toujours foule devant PB Boulangerie, logée dans une ancienne baraque à clams, en bordure de la route 6 à l'entrée de Wellfleet. L'enchevêtrement de voitures et l'interminable file à la porte du petit établissement rose faisaient partie du paysage. L'attente était cependant récompensée par les plus délicieux croissants de la côte est américaine. PB Boulangerie, c'est Philippe et Boris, copains depuis toujours. L'un est cuisinier, l'autre boulanger. Ensemble, ils ont imaginé une cuisine autour du pain avec le plus possible de produits locaux, ou du moins, américains. Leur farine vient de Minneapolis et leur beurre, du Vermont. Ils ont choisi le créneau de l'accessible plutôt que celui de la gastronomie. Côté boulangerie, le croissant se vend à peine plus de 2$, côté bistro, le champagne au verre, moins de 10$.
Il n'y a pas que les métiers de bouche qui attirent ici les francophones, qui ne sont d'ailleurs pas tous Français! Née à Québec, Nicole St-Pierre vit à New Bedford depuis une trentaine d'années avec son mari québécois. « Nous avons choisi New Bedford pour sa proximité de Cape Cod », souligne l'artiste du textile. On peut voir (et acheter!) ses créations à la boutique Woods Hole Handworks. Pendant l'été, Nicole fréquente aussi les foires d'artisanat locales, comme celles de Wellfleet et Harwich.
Le vignoble de Martha
Une autre Québécoise a fait son nid sur l'île voisine de Martha's Vineyard. Isabelle Huot, née au Saguenay a enfin réalisé son rêve d'ouvrir son propre Bed & Breakfast après des années à travailler dans l'hôtellerie sur l'île. Sa belle grande maison bordée d'une immense véranda domine la mer, à quelques dizaines de mètres du débarcadère d'Oak Bluffs. Elle se remarque de loin, à son drapeau ... canadien.
Isabelle entretient des liens avec les francophones de l'île, dont quelques restaurateurs, dont les propriétaires du Sweet Life Café, où le président Obama a mangé lors de ses dernières vacances sur l'île. Ils sont Français : la qualité du pain qu'on y sert ne trompe pas! Après avoir vécu en France, les Guérin, qui travaillaient dans le domaine du marketing alimentaire, sont tombés amoureux de l'île et s'y sont installés il y a sept ans.
Et puis il y a les nombreux francophiles, comme Mike et Helen Cassels, des Britanniques qui ont acheté The Inn at Cape Cod, à Yarmouth Port, après avoir vécu une douzaine d'années dans le sud-ouest de la France, ce qui se goûte à l'heure du petit-déjeuner. Et les propriétaires de Pain d'Avignon, à Hyannis, qui ont baptisé leur établissement en l'honneur d'un pain exceptionnel qu'ils avaient goûté à Avignon, et pour le jeu de mots, bien sûr.
Mais il n'y a pas que la filière française à remonter sur cette terre d'immigration qui a accueilli les pèlerins du Mayflower en 1620, puis des vagues successives d'étrangers dont celle qui a amené les Portugais du Cap Vert, pêcheurs et constructeurs de bateaux. Un autre fascinant fil à suivre serait sans nul doute celui des Italiens. Parmi les derniers arrivants, les charmants propriétaires de l'Osteria La Civetta, à Falmouth. Mais ça, c'est une autre histoire...
Francophones et francophiles de Cape Cod Table Française propose des rencontres informelles le premier mercredi de chaque mois à 18h pour réunir les « Cape Codders » qui aiment parler, manger et boire français! D'un mois à l'autre, le programme varie entre cinéma et bouffe. Des vacanciers québécois se joignent parfois aux agapes. Pour infos :jwatson@capecod.net . . Fondée en avril 2007 à l'instigation de Pauline Nelson, une prof de français retraitée, la Société francophone de Cape Cod regroupe des francophones qui se rencontrent une fois par mois dans un restaurant de la région de Falmouth-Sandwich pour parler français et partager leur passion pour la culture française. La Société fait relâche en août. Pique-nique spécial pour le 14 juillet. Réserver à l'avance. Pour infos : prnelson2@comcast.net |