Genève d'habitude si sage et si rangée, devient festive en décembre, à l'occasion de l'Escalade. Cette grande fête populaire, unique en Suisse, célèbre l'indépendance des Genevois en commémorant les actions courageuses qui leur ont permis de résister aux velléités de conquête de leur voisin, le duc Charles-Emmanuel de Savoie, pendant la nuit du 11 au 12 décembre 1602.
Lors de cette nuit mémorable, 2000 hommes bien armés s'apprêtaient à prendre Genève en escaladant ses murailles à l'aide de hautes échelles. Ils sont cependant rapidement découverts. L'alerte est donnée et les Genevois tirés du lit saisissent tout ce qui leur tombe sous la main pour chasser l'ennemi. Des combats ont lieu dans les rues étroites. C'est tout le peuple de Genève qui défend sa ville.
La légende veut que dame Royaume, épouse du monnayeur de la République, ait fait sa modeste part en jetant un chaudron d'étain plein de soupe bouillante sur l'ennemi. On rappelle son geste en mangeant à cette occasion de la soupe dans de petites marmites de terre cuite et en fracassant des marmites en chocolat (nous sommes en Suisse!) remplies de légumes en pâte d'amandes. Selon la tradition, le plus vieux et le plus jeune de chaque famille brisent ensemble cérémonieusement une marmite en chocolat frappée aux armes de Genève, après avoir crié Ainsi périssent les ennemis de la République! et chanté la première strophe du Cé qu'è lainô, l'hymne de l'Escalade.
Tous les ans, pendant ces deux jours de décembre, la vieille ville de Genève est le cadre de différentes manifestations. Certains espaces privés sont exceptionnellement ouverts au public, comme le passage du Monetier auquel on accède à partir du 19, rue du Perron, et la salle de l'Alabama dont les murs ont vu la signature du traité de Genève sur le sort des militaires blessés et des prisonniers de guerre. Dans la maison Tavel, construite au Moyen Âge et transformée en musée, on propose des animations autour de l'événement.
Des troupes d'arquebusiers et d'arbalétriers de la Compagnie de 1602 en costume d'époque patrouillent les rues au rythme du fifre et du roulement de tambour. Des soldats donnent des démonstrations de tirs de mousquet et de duels à l'épée. Ici et là, on entend les innombrables couplets des chansons de l'Escalade rédigées en vieux dialecte, que les badauds sont invités à reprendre en choeur.
Les enfants, dont certains sont déguisés comme pour le carnaval, se promènent avec des lampions. Devant l'hôtel de ville et sur la Treille, où trône le plus long banc public au monde, les passants peuvent se restaurer d'un vin chaud, de saucisses ou de sanglier rôti.
Dans les restaurants bondés de la vieille ville, comme Les Armures par exemple, les convives interrompent régulièrement la dégustation de leur fondue ou de leur raclette pour applaudir les musiciens ambulants qui viennent les sérénader moyennant quelques pièces.
Cette grande fresque historique culmine avec un cortège qui fait défiler quelque 750 personnes à la fin de la dernière journée. Ponctué des traditionnelles proclamations, il est ouvert par le groupe de commandement. Suivent, selon un ordre immuable le groupe des ecclésiastiques, celui des autorités, de la justice, du héraut, du peuple de Genève et celui de la campagne et la compagnie de la milice bourgeoise. Le cortège parcourt les deux rives du Rhône à la lumière des flambeaux. Après avoir admiré le défilé, la foule se rassemble sur la place de la cathédrale Saint-Pierre et patiente au son des airs patriotiques chantés par le grand choeur de l'Escalade. L'incontournable Cé qu'è lainô salue l'arrivée du cortège sur la place où un grand feu de joie marque la fin des festivités.